Le calme avant la tempête [Thorn]

Administrateur · Messages : 41 Exp : 4821 Date d'inscription : 22/04/2011 Age : 35

Brynden a ouvert les yeux, fixant sans vraiment les voir les lézardes au plafond. D'un mouvement du coude, il a écarté le corps de la prostituée qui s'était endormie sur son torse. La jeune fille ne s'est pas réveillée. Elle ne devait pas avoir plus de dix-huit ans, était dotée d'un beau visage aux longs cheveux roux et de courbes à couper le souffle. Brynden laissa courir son doigt dans sa chevelure, sur son dos, sur ses hanches, ses fesses puis ses cuisses, en repensant au prix exorbitant qu'il avait dû payer pour l'avoir.
Laissant échapper un lourd bâillement, Brynden a repoussé la couverture et s'est levé, nu comme un ver, en s'étirant de tout son long, sans se préoccuper de savoir si quelqu'un pouvait le voir. Il s'est habillé en vitesse, sans un mot, et est sorti de la maison close avec une mine épanouie.
Mais son allégresse s'est presque aussitôt dissipée, dès que l'odeur rance et infecte des rues est venue agresser son sens olfactif. Les maisons closes avaient au moins la décence de vaporiser du parfum.
Malgré son odeur répugnante, l'endroit diffusait un parfum bien plus agréable, celui de la dégénérescence, la corruption et la pourriture morale. Brynden l'avait vu s'éveiller comme une pute au petit matin, l'avait vu ôter de ses dents les hommes assassinés, l'avait vu secouer ses cheveux pour en faire choir les suicidés. Il l'avait vu au cœur de la nuit, ses ruelles souillées courtisant sans honte la perversion. Il l'avait observé dans la moiteur de l'après-midi, laid et apathique, indifférent aux atrocités qui se commettaient chaque heure en ses rues sordides.
Brynden s'y sentait chez lui.

Inspirant a pleins poumons l'air nauséabond dans l'espoir de s'y habituer plus vite, il s'élança à travers les ruelles mal pavées. Quelle que soit l'heure, il régnait toujours une animation inédite, quelque chose qu'on ne trouvait nul part ailleurs dans le Royaume. Cet endroit était un havre.
La mission était stricte et dans des conditions normales, Brynden n'aurait pas dû s'autoriser la moindre distraction, le Roi avait été clair à ce sujet. Mais l'As de Trèfle n'en avait cure. Dans le pire des cas, si quelqu'un l'apprenait, il trouverait le moyen de se justifier, comme toujours...
"As, je veux que tu pousses les Spades à voir dans n'importe quel Heart un bouc émissaire. Il faut qu'ils les haïssent. Qu'ils reprennent les massacres et qu'ils boutent l'influence de la Reine de Cœur hors de leurs frontières."

Fomenter une révolte. Inciter d'honnêtes gens à la haine de leurs semblables. Brynden en aurait presque salivé, car il voyait le plan vicieux derrière tout ça. Si des gens à elle était massacrés par les Spades -et il en trainait toujours dans le coin- la Reine de Cœur serait forcée de réagir. Un stratagème sournois pour la pousser à commettre une erreur de jugement.

"Et, As... Rappelle-toi, j'exige de ta part une discrétion absolue. Si la Reine apprend que nous sommes derrière tout ça, des têtes devront tomber..."

Brynden avait hoché la tête, ne comprenant que trop bien la menace. Son Roi préfèrerait le livrer à la justice expéditive des Hearts plutôt que de risquer une guerre ouverte avec eux. A raison. Après deux jours passés à se fondre dans la masse, à "étudier le terrain", il était temps de se mettre au travail.
L'as de trèfle inspira à fond, pour calmer l'excitation qui menaçait de le gagner. Il passa une main dans ses cheveux et secoua la tête afin de se décoiffer et entra dans la première taverne.
Il prit son air renfrogné et frappa d'une main lasse sur le comptoir.

-Une bière. Et vite, avant que ces trouducs de Hearts cherchent à me piquer ça aussi.

T · Messages : 580 Exp : 5721 Date d'inscription : 08/04/2011 Age : 30

Nous étions quelques jours après ma "rencontre" du troisième type avec "Jack Shade"... Rencontre ennuyeuse, au cours de laquelle j'avais pu constater que la surveillance et l'intelligence n'étaient vraiment pas les atouts des Spades. Quelques types, des "gardes", étaient venus me parler, ne m'avaient pas reconnue, et encore moins appréhendée. J'étais même pratiquement sûre que si je leur avais proposé, ils seraient venus boire un verre avec moi à la Taverne du coin...

En parlant de ça, j'y étais à la Taverne du coin. Depuis quelques verres, quelques heures, quelques grammes... J'y étais, mais sans but particulier. Je voulais voir jusqu'où je pouvais aller avant de me faire chopper et "qu'on me coupe la têeeeete !" sur la place publique. Je voulais savoir jusqu'où je pouvais aller, et je commençais sérieusement à me dire que je pouvais enlever le capuchon, puisqu'il avait l'air de n'alerter personne (j'sais pas, c'est pas logique, ici, quelqu'un qui se balade couvert à l'air moins suspect que quelqu'un qui se balade visage découvert). À la place des Spades, j'aurais été curieuse. J'aurais au moins suivi la capuchonné et aurait attendu qu'il se décapsule de lui-même... Et ensuite, je l'aurais tué (juste pour le fun)... Mais j'aurais fait ça pour ne pas m'ennuyer... Peut-être que les Spades étaient tous surchargés de travail, que c'était pour ça que personne ne me prêtait attention...

Et les abrutis au bar alors ?

J'ai abandonné le calcul là. J'étais un peu dans le gaz, et puis je m'ennuyais trop pour me satisfaire moi-même de mes propres divagations... On a inventé des trucs pour "soulager les peines et les maux", mais on a toujours pas inventé de quoi "soulager l'ennui". Pauvre Baudelaire ; il doit se retourner dans sa tombe... Tiens, se retourner dans sa tombe c'est une expression étrange...

Bref, j'étais absolument incapable de suivre une idée jusqu'au bout de son développement, sans me raccrocher à une autre idée immédiatement et tenter de la dérouler à son tour... C'est pourquoi (enfin je pense qu'il est fort probablement pour qu'éventuellement ça ait joué) je n'ai pas égorgé sans pitié le crétin qui vint expressément s'asseoir à côté de moi pour se plaindre de la politique de la Reine.

Elle était très bien la politique de la Reine ! Suffisait juste d'être dans le bon camp. Et encore, des fois ça suffisait pas vraiment. Bah, chacun ses ennuis... Moi, pour palier au mien, je sentais que même en marchant pas droit, j'allais régler son compte au type qui protestait... Faudrait juste que j'arrive à trouver un moyen de me focaliser sur lui avant d'oublier et de penser à tuer quelqu'un d'autre...

Et pour ça, j'sais pas pourquoi, ça m'a échappé, mais j'ai parlé.

- C'est pas bien d'être... Euh... Malpoli comme ça.

Y a des jours comme ça où j'me dis qu'il faudrait que je reste couchée... Si seulement j'arrivais à dormir... Bref, ma tirade était loin d'avoir beaucoup de cohérence (je n'arrivais à parler que lorsque ma tête arrêtait de tanguer) mais au moins, il devrait me répondre, non ?

Administrateur · Messages : 41 Exp : 4821 Date d'inscription : 22/04/2011 Age : 35

Voix aigre-douce. Relents d'alcool.
Brynden a daigné tourner la tête quelques secondes avant de retourner à la contemplation silencieuse de sa bière. En tirant une maigre rasade, il en a profité pour étaler les informations tactiques.
Pupilles dilatées. Joues creusées. Cernes sombres entourant les yeux. Dents jaunies. Mèches de couleur. Une alcoolique notoire. Sûrement droguée. Stéréotype flagrant de l'adolescente rebelle. Pauvre gosse, elle ne devait même pas avoir vingt ans.
Brynden a reposé sa pinte en s'essuyant d'un revers le coin de la bouche. Au cours de sa carrière, il avait appris que si les apparences pouvaient être trompeuses, elles étaient la plupart du temps révélatrices. Il se fichait pas mal de savoir comment cette gosse idiote en était arrivée à ce point.
A deux mètres de là, le serveur observait d'un œil distrait. Sans doute regardait-il la demoiselle. S'il n'avait pas assouvi ses besoins naturels à peine une heure auparavant, Brynden l'aurait peut-être trouvée attirante aussi. Enfin, de loin. Cette môme aurait pu découper de la tôle avec son haleine.

Enfin, elle représentait une opportunité intéressante. Le plus dur, dans un complot, était de ne pas laisser de traces de sa présence. La tâche n'était pas insurmontable, mais longue. Trop longue.
Coup d'œil sur la droite. Le serveur écoutait toujours.

-Pas bien... répéta Brynden.

Première erreur tactique. L'as avait appris très tôt qu'en parlant assez longtemps, il était capable de transformer le bien en mal et inversement. La vérité en mensonge éhonté et une invention en vérité empirique.
Il lui tapota deux fois l'épaule. Contact physique. Aide à mettre en confiance. Fonctionne spécialement bien pour les alcooliques. Son discours en tête, Brynden s'humecta le gosier une deuxième fois.

-C'est ce que fait le Reine Rouge qui est mal, non ? Oppresser de braves gens comme nous ! Combien d'innocents a-t-elle fait exécuter ? Hein ? Alors, c'est vrai, j'ai été malpoli et c'est mal. Mais je suis sûr que certains ici pourraient faire bien pire que d'être simplement malpolis envers un Heart...

Un mauvais sourire sur les lèvres, Brynden avait parlé suffisamment bas pour n'être entendu que de quelques clients, mais sans les regarder. Quelques regards sur les cotés lui montrèrent des hochements de tête plus ou moins vigoureux. Magnifique. Rentrés chez eux, ces crétins penseraient avoir eu une épiphanie de leur propre initiative.
Maintenant, les conversations allaient s'alimenter d'elles-mêmes. Pour cette taverne, du moins. En restaient, quoi ? Quelques dizaines ?
La jeune fille ? Brynden n'en avait cure. La convaincre était le cadet de ses soucis. Et de toute façon, elle aurait sûrement tout oublié d'ici la fin de la soirée. L'as soupira en pensant à la longue nuit de travail qui l'attendait, même si la décision de ne pas trop en faire avait déjà été prise.
Il reporta sa maigre attention sur elle. Le temps de finir sa bière, il pouvait bien se permettre d'échanger quelques banalités insipides avec une greluche de service.
Il lui tendit la main.

-Brynden. Esprit brillant dans un corps extraordinaire.

T · Messages : 580 Exp : 5721 Date d'inscription : 08/04/2011 Age : 30

J'crois que j'suis bourrée, que j'ai pensé quand il m'a tapoté l'épaule... En fait, si j'avais été très claire, je l'aurais attrapé, je l'aurais étripé sur place, avant de retourner à mon verre (j'savais même plus ce qu'il y avait dedans tiens... Et même si le serveur avait pu mettre un produit illicite dedans, ça pouvait pas me faire beaucoup plus d'effet que ça, si ?). Mais là, j'avais juste senti sa grosse main me frapper deux fois, fermement, mais "gentiment". Histoire de bien faire... Et puis il est reparti sur les conneries sur la Reine. J'ai attendu, cachée sous mon capuchon, qu'une occasion de le chopper se représente. Je tenais mon verre très fort dans ma main droite, pour me concentrer sur quelque chose. Il a parlé, mais j'écoutais plus, je pouvais pas. Si j'avais écouté, j'aurais été déconcentrée, et j'aurais fini par tomber de ma chaise, pour lécher le sol... Pas vraiment hyper offensive comme position, vous avouerez. Bref, tendue sur mon verre, à regarder bien droit devant moi, j'avais la haine qui transpirait.

Il s'est tourné vers moi, s'est présenté, m'a tendu la main. Trois erreurs :
1 - contact physique, ce qui correspondait à son arrêt de mort ;
2 - il se présentait. Mais alors sa gueule, je la connaissais pas, mais alors pas du tout, du tout du tout... J'avais dû la voir une fois ou deux, mais forcément, ces fois-là je voyais flou... Et aujourd'hui je voyais aussi flou... Par contre, son nom, je connaissais. Je connaissais aussi bien que le rang. Bref, il allait morfler.
3 - et la troisième erreur, ça avait été de se vanter de son intelligence (alors qu'il se grillait tout seul le choupinou) et son corps... Je voyais trop flou pour savoir si oui ou non.

Bref j'ai lâché mon verre d'un coup pour me jeter sur lui. Clef de bras avec sa main tendue, plaquage contre le mur du fond.

- TU ME TOUCHES PAS ! TU ME TOUCHES PAS ! JAMAIS !

Jusque là ça pouvait passer pour une crise d'ado bourrée à retardement... Et ma voix et mon haleine me vrillaient la tête. Et puis j'ai pété ma durite jusqu'au bout. Ca me ferait du bien. Ca me ferait désaouler... Enfin, peut-être... Ou pas... Mais ça me ferait quand même du bien. Allez, ça m'occuperait un peu, rien qu'un peu... Ca me délasserait les muscles, ça me rendrait un peu envie de ne pas faire une overdose.

- As contre As... Alors, les trèfles jouent leur carte trahison...? ai-je murmuré.

J'ai fait tomber ma capuche.

- Tu sais quoi grand ? Tu vas juste servir d'exemple...

Oh j'y croyais pas du tout. J'allais me faire massacrer, ou en tout cas courser à fond, mais je voulais une occupation ! Si j'avais dû le buter, ce serait déjà fait. Je n'avais même pas encore sorti mon arme !

Administrateur · Messages : 41 Exp : 4821 Date d'inscription : 22/04/2011 Age : 35

Personne n'a réagi. Personne n'en a réellement eu le temps. Brynden n'a lui aussi qu'à moitié compris ce qui venait de lui arrivé quand il se retrouva le visage plaqué contre le mur de bois de la taverne, une adolescente en furie lui hurlant dessus. L'as de trèfle a éprouvé une sensation désagréable, comme si son plan venait de tomber à l'eau. Perdre le contrôle. Rien de plus détestable.
Elle lui a chuchoté quelque chose à l'oreille. Ses pupilles se sont dilatées sous l'effet de surprise. La sensation n'a fait qu'empirer. Un instant, Brynden eut l'impression de revivre sa mort. Un frisson glacé lui est remonté le long de la colonne vertébrale. Sa main libre s'est mise à trembler.
Un autre As.

Brynden n'écoutait plus rien, imperméable. Dans le fond de sa mémoire, des images défilaient, jusqu'à ce que l'une d'entre elles ne remonte à la surface. Il l'avait déjà vue. Quelque part.

-As de cœur...

Sa réputation la précédait. Violence. Cruauté. Alcool. Son haleine empestait les trois formes de cette réputation détestable. Brynden s'en est mordu la lèvre jusqu'au sang. Et elle appuyait avec tant de force. Mu par la peur et la rage, Brynden s'est éjecté du mur d'une poussée des pieds, entrainant son homologue avec lui. Ils ont percuté le sol trempé d'alcool avec violence. Brynden a senti son épaule emmètre un craquement sinistre. Douleur. De son bras valide, il a saisi le premier objet qui lui vint et frappa de toute ses forces, avec ce qui s'avéra être un verre plein.
De l'alcool, du sang et des fragments de verre se son répandus sur le sol et sur son visage.

-L'AS DE COEUR EST ICI !! IL EST VENU NOUS TUER !!

L'effet escompté ne s'est pas fait attendre. Une marée humaine a déferlé sur eux, dans un mouvement de crainte et de haine, braillant plus fort qu'un troupeau d'animaux. Brynden a juste eu le temps de lâcher un juron avant qu'elle ne les percute. Certains ont fui le bar, d'autres se sont jetés à dans une mêlée confuse pour tuer l'As de cœur. Les coups ont commencé à pleuvoir. Plus personne ne se souciait de qui il touchait.
Brynden s'est dégagé avec difficulté. Son épaule droite lui faisait mal, son visage était constellé d'éclats de verre, et une irrépressible envie de vomir le tiraillait.
Il fallait qu'il sorte. A tout prix.
Se traitant de tous les noms, il s'est enfui à grandes enjambées. Comment avait-il pu être négligent à ce point ? Si l'As de cœur ne le tuait pas, le Roi s'en chargerait à coup sûr. Parce que là, niveau discrétion...
Quoique.
Brynden s'est forcé à se calmer. Personne ne connaissait son identité. Il n'aurait qu'à faire profil bas durant quelques temps et même le Roi n'en saurait rien. Une petite échauffourée dans un repaire d'ivrognes, personne n'y ferait attention.
La solution s'est imposée d'elle-même. Liquider l'As de cœur. Il lui fallait à tout prix l'empêcher de cafter à la Reine rouge.
Prenant son courage à une main et son épée courte de l'autre, Brynden est retourné au bar, bien décider à achever sa besogne. Liquider l'une des cartes maitresses des Hearts compenserait le léger fiasco de l'entreprise première.

-Elle va servir d'exemple, a repris Brynden, franchissant les portes du bar...

T · Messages : 580 Exp : 5721 Date d'inscription : 08/04/2011 Age : 30

Il a hurlé, m'a frappée, a fui. Le monde autour de moi s'est mis à tourner bizarrement. Les gens se sont levés, ont commencé à courir, à s'entretuer. Le pire c'est qu'aucun n'a eu l'air de me taper dessus. Et heureusement, car j'étais tellement à l'ouest que je me serais faite massacrer. J'étais hors service, je vous le rappelle. Je n'arrivais pas à penser correctement. Et surtout, quand je pensais correctement, mon corps ne fonctionnait pas correctement. Là, par exemple, je n'arrivais pas à bouger. Je m'étais retournée quand il m'avait cognée, autant parce que j'avais eu l'impression d'avoir mal (je ne sentais pas vraiment la douleur, c'était plus un réflexe qu'autre chose) que parce que je le suivais du regard dans sa fuite.

J'étais désemparée. Je ne savais pas trop quoi faire dans le cas dans lequel j'étais. Incapable de marcher droit. Incapable de marcher tout court ouais ! J'étais tétanisée sur place. De plus, pour le moment, les coups pleuvaient autour de moi, mais pas sur moi, donc si je bougeais j'allais m'en prendre une. Et puis, pour aller où ? Aucune idée.

Et puis il est revenu. Il a probablement dû se dire que c'était plus pratique d'être avec moi pour pouvoir me faire la peau. Pas bête. Je l'ai regardé de loin. Et puis il a fallu que je bouge. Ce qui ressemblait à une assiette m'arrivait droit dans la tête. Je me suis accroupie, recevant les éclats de porcelaine de l'assiette, qui avait explosé juste au dessus de ma tête.

- Hé ! que j'ai lâché par mégarde.

Là dessus, un type m'a remarquée et a commencé à s'approcher. Menaçant. Je me suis redressée, titubante, pour m'appuyer au mur. Faite comme un rat ? Un peu... Mais j'm'en sortirais, comme d'habitude, je le savais... J'avais "survécu" à la drogue, alors je pouvais survivre à tout. Non ? Peut-être.

J'ai longé le mur, essayant d'aller vite, d'aller droit, et surtout d'être discrète. J'ai voulu le raisonner, le tout en étant pas très claire avec moi-même... J'étais même pas sûre que c'était cohérent.

- C'est facile de se retourner contre la Reine, alors que c'est la blonde qui a tout détruit ici...

En fait si, c'était cohérent.

Administrateur · Messages : 41 Exp : 4821 Date d'inscription : 22/04/2011 Age : 35

Un pied de chaise a volé, brisant un miroir derrière le bar. Des verres ont suivi. Des tables ont été renversées. Pénétrant dans le bar en évitant de marcher sur un type à terre, Brynden s'est senti fier de lui. Tout une taverne sans dessus-dessous, et ce grâce à lui.
Et à la fille adossée au mur. Elle était dans un sale état, mais elle se défendait encore avec un zèle forçant le respect. Brynden a souri malgré son appréhension. Le plan se déroulait avec toujours plus d'accrocs. Dans tous les cas, il allait se faire passer un savon. Que ce soit par le Roi ou la Reine, aucun ne serait vraiment agréable.

- C'est facile de se retourner contre la Reine, alors que c'est la blonde qui a tout détruit ici...

Brynden a haussé un sourcil et secoué tristement la tête. Mauvaise défense. Peut-être aurait-elle dû engager un avocat compétent. Un avocat comme lui. En une minute il l'avait condamnée, en une minute il aurait réussi la sauver. Un instant, Brynden s'est surpris à vouloir relever le défi. Mais il y avait déjà eu trop de boulettes pour aujourd'hui. Presque dommage.
Au centre du bar avaient lieu les combats les plus féroces, avec des bagarreurs clairement décidés à s'entretuer si personne n'intervenait. Un homme s'est effondré dans une large flaque d'alcool, une large entaille à la gorge. Du sang repeignait les murs. Séparé de sa victime par cette orgie de violence, Brynden n'en menait pas large. Il n'avait pas la chance d'avoir sa peur supprimée par l'alcool.

Quand sa victime a égorgé l'homme qui la prenait pour cible d'un simple revers de couteau, Brynden a déglutit. Son épée lui a soudainement paru bien lourde, encombrante, inutile. Il savait se débrouiller avec, mais n'était pas sûr de pouvoir rivaliser avec l'As de cœur, réputé comme le meilleur d'entre eux.

-La séance est maintenant... levée. Discrétion absolue, qu'il disait...

Partagé entre l'idée de fuir son homologue qui se rapprochait de lui en titubant, et sa volonté de la faire taire à tout prix, Brynden faillit prendre ses jambes à son cou. Jusqu'à ce que l'idée germe enfin. Il y aurait quelques malencontreux dommages collatéraux, mais rien d'inexcusable auprès du Roi.
Quand à la Reine, elle s'adoucirait en pensant aux souffrances des Spades morts dans l'incendie... L'As de trèfle considéra une dernière fois les options et opta pour celle-là. Personne ne devait pouvoir faire le lien entre la mort de l'As de cœur et lui.

Avec des gestes lents et précis, Brynden sortit le briquet qu'il gardait dans sa poche intérieure gauche, s'efforçant de ne pas détourner le regard des yeux de sa cible. Il aurait aimé pouvoir mettre un nom sur son visage avant de la laisser mourir. Il l'avait sans doute su un jour, mais l'avait oublié. C'était une chose qu'il n'appréciait pas.
Roulement du pouce sur le mécanisme. Crépitement.
La flamme vacilla quelques instants, avant qu'il ne jette le briquet à un mètre de lui.

Le sol de la taverne s'embrasa presque instantanément. La chaleur poussa Brynden a reculer. Des flammes léchaient déjà son pantalon, la fumée lui obstruait déjà la gorge.
Toussant, il sortit le plus vite possible, déjà assez roussi pour attirer l'attention. Avec toute la discrétion dont il était capable, il se mêla aux badauds qui regardaient la taverne brûler, imitant la même consternation qui se lisait sur leurs traits, et essayant tant bien que mal de ne pas avoir l'air de sortir de cette même taverne.
Un mauvais sentiment l'empoigna à la gorge. Si la fillette survivait, il lui faudrait rapidement trouver un excellent plan. Ou une excellente cachette.

T · Messages : 580 Exp : 5721 Date d'inscription : 08/04/2011 Age : 30

Et j'avais cru quoi ? Non, j'voulais même pas y penser... Bisounours-land était un autre monde... Quoi que j'ai imaginé, j'avais oublié une équation dans la variable... Euh... Bref. C'était un As. Lui aussi... J'aurais dû prendre mes jambes à mon cou à sa poignée de main. Encore que... Même à jeun, j'en aurais été incapable. Moi ? Fuir ? Laissez-moi rire... Mais là, c'était clair. J'allais mourir.

Outre le fait que je trouvais ça passablement injuste que je re-meure à cause d'autre chose que ma consommation de stupéfiants, ça me faisait chier. Non je n'avais pas peur, oui j'avais parfaitement conscience de ne pas avoir d'échappatoire. D'un côté le mur de flammes et la sortie. De l'autre, des types paniqués cherchant à me bousiller... Même en bondissant à travers les flammes, en prenant toutes les précautions possibles et inimaginables pour ne pas me crâmer les cheveux (j'suis anarchiste mais quand même, mes cheveux quoi !), c'était du suicide... J'étais recouverte d'alcool. De l'autre côté, celui des types qui commençaient à faire le même calcul que moi en hurlant, il y avait probablement une sortie de "secours". Tout le monde allait juste s'y précipiter.

Pour un As il était futé. Je me demandais toujours comment il allait justifier ma mort "bizarre" à la Reine... Mais de toute façon, si je ne trouvais pas presto une solution à mon "souci" je ne serais pas là pour le voir. J'suis restée contre mon mur à regarder la troupe de badauds qui se réunissait dehors. Mon petit couteau à cran d'arrêt dans une main, lame ensanglantée, mon capuchon dans l'autre, plaqué contre ma bouche. Histoire de ne pas mourir d'intoxication au monoxyde de carbone.

J'ai continué d'envisager la possibilité de passer à travers les flammes... Et puis quoi ? Si je sortais, même à poil pour éviter de prendre feu (je parlais même pas des brûlures), Il recommencerait. "L'As de coeur, l'As de coeur..." Et j'allais me taper de toute façon un sprint, à poil, coursée par les abrutis. Et si je me suicidais ? Ce serait de toute façon moins douloureux que mourir dans un brasier. Encore que... Et puis si je me suicidais il serait dans la merde pour expliquer ça... Parce que même dans mon état normal (à jeun, j'veux dire) le suicide n'était pas une option qui me correspondait. Moi j'étais plus du genre à buter tous ceux qui se dressaient sur la route...

J'ai toussé. Une fois.

- Bon...

Que j'ai dit. Juste histoire de faire le point sur tous les détails de cette foutue taverne. Dommage que j'ai pas été plus "gentille" avec l'aubergiste, il m'aurait peut-être sauvée des flammes... Mais là, il avait fui depuis longtemps. Je me suis indignée une seconde : "comment ça, il faut être une salope pour bénéficier du bonus "prince charmant" ?". J'ai fait face à la troupe paniquée bloquée à l'intérieur de la taverne. Certains avaient réussi à fuir, la plupart continuait de s'entretuer. Dans la panique, la porte s'était coincée.

J'ai finalement vu l'escalier. C'était pas l'bon plan, puisque la fumée allait monter avec moi, mais de toute façon, si ça ne menait pas à une issue, j'étais cuite quand même en bas... Cuite... C'est le cas de le dire ! J'suis montée. Certains m'ont regardée, d'autres m'ont suivie, les derniers sont morts. En haut, il n'y avait rien. J'ai entendu un corps tomber dans les escaliers. Certains ont vomi à cause de l'odeur de la chair calcinée qui s'élevait d'en bas. Il y avait un velux.

Ni une, ni deux, je suis passée par le toit. Quand je l'ai ouvert (coincidence ?) une bouteille de gaz, en bas, a explosé. La vitrine s'est vaporisée sur la troupe d'en bas. Le verre, le bois, les poutres, tout a pris feu, tout a explosé. J'ai grimpé sur le toit. J'aurais pu fuir... Oh, j'aurais pu... Mais l'As de Trèfle m'avais mise hors de moi. J'ai tendu une main "secourable" au petit groupe qui me suivait. J'aurais bien dit qu'ils étaient neuf, mais je voyais trop flou pour compter.

Avant toute chose, petite mise au point avec eux.

- Je suis l'As de coeur, il a raison.

Effroi. Recul. En même temps, ils avaient toujours le choix. Ou la mort, ou l'acceptation. Au choix. Mais personne n'est descendu. Tout le monde est resté. Le fait était tout de même que ça n'était pas moi qui les avais fait crâmer. Que moi, j'entretenais régulièrement leur économie. Et dernier fait : j'étais une tueuse de grande envergure, cela faisait longtemps que la Reine ne me demandait plus de tuer le Pique lambda. Je tuais les mecs importants. Genre... Les As.

Je me suis avancée sur le toit. Je lui ai lancé un sourire. Fait un signe macabre avec mon pouce sur ma gorge. Les autres flipperaient, assez pour ne pas bouger.

- Cours.

Administrateur · Messages : 41 Exp : 4821 Date d'inscription : 22/04/2011 Age : 35

Des cendres voletaient dans l'air nocturne, comme les confettis d'un carnaval macabre.
La nuque de Brynden s'est de nouveau glacée. Le jeune homme a dégluti bruyamment. Un long frisson s'est emparé de son être malgré la chaleur du brasier.
Cette fille savait faire son effet. Des marques de brulures parsemaient son corps, ses habits partaient en lambeaux et elle manifestait des difficultés à marcher droit.
Il se disait à la cour des Trèfles que leur As ne connaissait pas la peur. Une telle affirmation n'était pas entièrement vraie. L'As de trèfle pouvait avoir peur, comme il lui était déjà arrivé par le passé, mais son entrainement et sa discipline lui permettaient de la surmonter pour que son efficacité n'en soit pas diminuée.
Pourtant, quand son homologue émergea des flammes, il recula.

Presque aussitôt, son esprit logique reprit le dessus, et il se maudit pour avoir montré, ne serait-ce qu'un instant, un signe de faiblesse. Son ennemie savait. Il avait eu peur.

-La peur... marmonna Brynden pour lui-même. La peur est plus tranchante qu'aucune épée.

Et surtout, la peur encrassait les rouages de son cerveau. Lentement, méthodiquement, selon une routine ancestrale, il se força à les faire tourner. La machine se mit en branle, doucement, au début, puis plus rapidement. Le temps qu'elle descende de son perchoir, il aurait amplement le temps de trouver le moyen de contre-attaquer. Coriace, la bougre. Les gens se montraient rarement aussi tenaces, autrefois, dans les tribunaux. L'intelligence avait ses limites. La haine et la folie n'en avaient aucune. Brynden inspira à fond.

-Croire, c'est déjà vaincre. Croire, c'est déjà vaincre. Croire, c'est déjà vaincre. Crainre, c'est déjà voire.

Il jeta des coups d'œil sur les cotés. Les gens étaient effrayés, trop effrayés. Il n'arriverait pas à les convaincre de former un cordon de sécurité entre lui et la fille tarée.
Sa paupière gauche tressauta légèrement. Si faiblement, en fait, qu'il faillit ne pas le remarquer. Sa mâchoire se crispa sous l'effet d'un mal de crâne soudain. La machinerie ne tournait pas vraiment comme il le fallait. A court de solutions, Brynden était à deux doigts de se jeter à corps perdu au combat, poussé par la folie qu'il dissimulait si bien.

- Cours.

Un ordre ou un conseil, Brynden ne s'est pas préoccupé de savoir. Il s'est contenté de l'appliquer, détalant aussitôt dans la première ruelle derrière lui. Mettre de la distance. Trouver un plan lui permettant de tuer, discrètement et sans bavure. Observant le silence le plus total, Brynden a bifurqué à droite, dans ce qui ressemblait plus à un coupe-gorge qu'autre chose. Silencieux et sans témoins. L'endroit rêvé.
Passant machinalement sa langue sur ses lèvres, l'As de trèfle se surprit à sourire. Cette nuit avait mis ses capacités à l'épreuve, lui avait permis de donner la pleine mesure de son talent, chose qui n'était pas arrivée depuis longtemps. Restait un seul obstacle entre lui et le succès total.

L'épée de Brynden glissa hors de son fourreau avec un sifflement sinistre, exécuta une brève série de passes dans l'air du soir, et attendit avec un calme froid comme l'acier.

- Nous l'entendîmes d'abord, fumieuse et grulieuse, grachant et braimant. Tirant leurs racines et hisse et ho les arbres, comme de vives étrucheuses, fuyait devant lui. Mais nul dans la troupe ne fut aussi malignieux qu'eux.
Tel le Croquemitaine, il dévore l'ami et précipite ma perdimnation. Depuis, mon âme gambifole dans les limbes...

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Le calme avant la tempête [Thorn]

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